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La prévention des risques psycho-sociaux (RPS) : des moyens de dégager ou atténuer la responsabilité

Dernière mise à jour : 18 mai 2021


S‘il est un sujet qui demeure d’actualité brûlante dans les prétoires prud’homaux, au risque de devenir le mantra d’actions parfois mal ficelées, la prévention des risques psycho-sociaux dans l’entreprise (notamment par management pathogène) a fait l’objet d’une abondante Jurisprudence ces dernières années.


Par principe, l’employeur est responsable de la santé des salariés qui travaillent à son service et doit, à ce titre, prendre toutes les mesures propres à mettre un terme aux agissements en cause (article L.1152-4 du code du travail).


Par ailleurs, l'employeur a l'obligation de prendre et de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés :


Ces mesures comprennent :


1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.


L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes » (article L.4121-1 du Code du travail).


Dans une série d'arrêts rendus en 2002 à propos de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur après une maladie professionnelle, la Cour de cassation avait érigé cette obligation de sécurité en obligation de résultat. La Cour de cassation avait, ainsi, consacré cette obligation de résultat en matière :


- de protection contre le tabagisme passif et contre le harcèlement moral;

- d'obligation pour l'employeur de faire passer la visite de reprise après un accident du travail;

- de licenciement prononcé pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié de son droit de retrait;

- d'obligation pour l'employeur de prendre en compte les propositions de mesures individuelles du médecin du travail.


Par principe, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, doit en assurer l'effectivité. Cependant, au dernier état de sa lecture de la réglementation, la Cour de cassation a assoupli sa position, même en cas de réalisation du risque pour la santé du travailleur : en matière de préservation de la santé, l’employeur n’est plus tenu à une obligation de résultat, mais à une obligation de moyens renforcée ; ainsi, ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés l'employeur justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail.


Il convient dès lors, en pratique, de s’interroger sur le type de dispositifs préventifs qu’une entreprise a tout intérêt à instituer pour, le moment venu, tenter de dégager sa responsabilité en cas de dégradation de l’état de santé d’un de ses salariés en lien avec son activité professionnelle.


Sans que cette liste ne prétende à l’exhaustivité et sous réserve d’ajuster les moyens mis en œuvre aux capacités et effectifs de l’entreprise (en fonction, tout naturellement, des institutions représentatives du personnel en son sein et de l’efficacité des relais de prévention), les actions et documentations suivantes peuvent être envisagées :


- conclusion d’un accord cadre collectif sur l‘hygiène, la sécurité, la santé et les conditions de vie au travail (renforcement de la prévention et du suivi du Document Unique des Risques, développement des indicateurs pertinents dans le domaine de la santé au travail, implication et meilleure coordination des acteurs de la prévention, actions techniques de contrôle/conseil/expertise, amélioration de la transparence et de la circulation de l’information sur les risques au travail, intégration des questions de santé au travail dans le fonctionnement managérial au travers de l’intranet et des communications écrites, recensement des risques majeurs – physiques ou psycho-sociaux - définition de plans d’action collectifs, promotion de la qualité de l’organisation du travail, encouragement de la dynamique professionnelle pour augmenter la satisfaction au travail, amélioration de la prise en compte des situations individuelles dans la gestion des conditions de travail, information et sensibilisation sur la santé et la prévention de la pénibilité et de la désinsertion professionnelle, détection des situations de souffrance et accompagnement adapté des personnels, démarches d’amélioration des process d’écoute interne des collaborateurs, conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle… ) ;


Dans ce cadre :


- mise en place d’une cellule de soutien aux collaborateurs agressés, d’une étude pénibilité, d’une enquête paritaire RH/membres du Conseil Social et Économique (CSE), d’un programme de prévention proximité (ambiances de travail) ;


- mise en place d’un programme de prévention transversale des risques psycho-sociaux : diffusion de fiches de signalement, formation gestion des conflits (formation proximité), séances d’analyse avec psychologue, dispositifs d’accompagnement des managers (formation, club managers, ateliers RH) ;


- établissement et diffusion d’une procédure de gestion des agressions ;


- campagnes d’affichage sur les RPS (numéro vert et plateforme internet d’écoute et de soutien psychologique) ;


- établissement et diffusion de mémos sur l’assistance au management (avec numéro vert et plateforme d’échange internet) ;


- établissement et diffusion de fiches-types de signalement en cas d’agression externe ;


- mise en place, en lien avec le CSE, d’une méthodologie sur le repérage et l’analyse des situations de type RPS ;


- mise en place d’un groupe de travail sur la méthodologie d’évaluation des RPS ;


- propositions de plans d’actions pour sécuriser les salariés en lien avec le public ;


- établissement et diffusion d’une fiche mémo en cas d’altercations entre collaborateurs et de violences internes à l’entreprise ;


- suivi très méticuleux des accidents du travail (analyse des circonstances, identification du type de danger, préconisations, prise en charge ou non par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie au titre de la législation sur les risques professionnels…) ;


- démarches d’amélioration des process d’écoute interne des collaborateurs : mise en place d’un baromètre social et plan d’actions associé ( en vue de créer des espaces de discussion, pérenniser le baromètre social comme outil d’écoute interne, encourager les retours par les managers sur les entretiens individuel d’évaluation, former les managers à la conduite du changement, mettre à la disposition des managers des outils permettant de suivre le plan de charge et de réguler la charge de travail de leurs collaborateurs, impliquer davantage les managers dans le fonctionnement des instances représentatives du personnel…) ;


- mise à jour régulière du Document Unique des Risques…


En résumé, le risque prud’homal encouru par l’entreprise est plus que jamais proportionnel aux moyens engagés par elle pour fixer un cadre managérial propice à l’épanouissement de ses personnels.



Sources : Cass.soc., 28 février 2006 n°05-41.555 FS-PBRI, D. c/ Sté Cubit France technologies; Cass.soc., 28 janvier 2009 n°07-44.556 FS-PB, W. c/ Sté Sovab; Cass.soc., 16 juin 2009 n°08-41.519 F-PB, K. c/ Sté Elyo centre est Méditerranée; Cass.soc., 6 octobre 2010 n°08-45.609 F-D, Sté Citram Aquitaine c/ D.; Cass.soc., 30 novembre 2010 n°09-40.160 F-D, Association Autisme d'Eure-et-Loir c/ B.; Cass.soc., 20 mars 2013 n°12-14.468 F-D, M. c/ Sté La Gardoise ; Cass.soc., 25 novembre 2015 n°14-24.444, B. c/ Sté Air France : RJS 2/16 n° 123 ; Cass.soc., 22 septembre 2016 n°15-14.005 F-D, J. c/ Sté Com pour vous : RJS 12/16 n° 779.

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